Le secteur de la construction représente, à lui seul, environ 35-50%[1] des émissions totales de CO2 dans le monde. Par conséquent, sans une évolution dans le sens de la durabilité de ce secteur, il sera impossible d’atteindre les objectifs de décarbonation imposés par les accords internationaux.

L'UE s'est fixé pour objectif de réduire ses émissions de CO2 d'au moins 55% d'ici 2030, et la Chine affirme qu'elle atteindra la neutralité carbone d'ici 2060.[1] Or, dans un article très intéressant signé Harald N. Røstvik, publié en mars 2021 et intitulé « Sustainable Architecture–What’s Next ? »[1], une question centrale est posée :

« La question, maintenant, c'est comment ? À quel point le climat va-t-il changer, malgré ces nouveaux objectifs, et à quel point devrons-nous nous adapter à la nouvelle situation ou au nouveau climat pour y faire face ? »

L'architecture durable représente une partie de la réponse plus vaste et générale à cette question du changement climatique, mais il convient de réfuter un mythe, ou du moins une idée fausse.

En effet, cette dernière ne consiste pas seulement à employer certains matériaux ou à installer des panneaux solaires sur les toits des habitations ; il s'agit d'un processus bien plus vaste et complexe, où entrent en jeu économie, travail, normes, législations, investissements, recherche et développement, nouvelles techniques de conception, mais aussi santé et bien-être des individus.

Alors qu'est-ce que l'architecture durable, et quel avenir l'attend (et nous attend)?

Tâchons de répondre ensemble à cette question.

Comment définir l'architecture durable ?

Que signifie exactement « architecture durable » ? Il s'agit d'une question ouverte, à laquelle il est difficile d'apporter une réponse claire et univoque, notamment parce que les théories et les approches sont multiples.

Par ailleurs, si le concept n'a jamais été aussi actuel qu'en ce moment, c'est en réalité un sujet sur lequel on réfléchit depuis des décennies, en employant des termes variés, comme architecture écologique, bio-architecture, design durable, et ainsi de suite.

On peut, du moins, pour comprendre combien ce thème est vaste, partir de la définition offerte par l'encyclopédie Britannica [2] :

« L'architecture écologique, une philosophie de l'architecture qui préconise des sources d'énergie durables, l'économie d'énergie, la réutilisation et la sécurité des matériaux de construction, et l'implantation d'un bâtiment en tenant compte de son impact sur l'environnement. »

Comme nous l'avons indiqué en début d'article, l’architecture durable, ou écologique, comme on préfère, ne se limite donc pas à la construction de bâtiments à impact environnemental faible (ou nul), mais touche aussi la technologie, la gestion des processus, la santé humaine (en réduisant les émissions dans l’air intérieur ou l’utilisation de substances potentiellement toxiques, par exemple), le tout au sein d’un secteur qui, ne l’oublions pas, représente une part importante de l’économie mondiale.

En bref, le respect de l'environnement doit, en tout état de cause, aller de pair avec la durabilité économique.

Les éléments-clés de l'architecture durable

Nous avons vu que l'architecture durable requiert la mise en œuvre d'un processus très vaste, où entrent en jeu différents facteurs, tous d'égale importance pour atteindre l’objectif final.

Si l'on voulait dresser une liste, les actions suivantes pourraient être considérées comme les éléments-clés de l'architecture écologique, à prendre en compte en priorité dans la conception d'un bâtiment durable :

  1. réduire au minimum le coût du cycle de vie des matériaux;
  2. économiser l'énergie et l'eau;
  3. maximiser la durée de vie des constructions;
  4. réduire au minimum la production de déchets. À ce propos, nous vous invitons à télécharger notre Livre Blanc consacré au rôle du secteur de la construction dans l’économie circulaire. Vous le trouverez ici;
  5. garantir des matériaux sains pouvant être entretenus de façon durable;
  6. utiliser des matériaux à faibles émissions et intrinsèquement conçus pour la circularité;
  7. réduire le poids d’un bâtiment en réduisant le poids et l'utilisation des matériaux;
  8. planifier la conservation et la remise en état des constructions ;
  9. assurer des conditions de sécurité optimales sur le lieu de travail.
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L'impact de l'architecture durable sur la qualité de vie

De nos jours, nous avons tendance à nous concentrer sur un aspect central de l'architecture durable, à savoir la réduction des émissions de CO2, un objectif que l'on ne peut plus se contenter de survoler. Il est incontestablement primordial de réduire les émissions de CO2 afin d’assurer de bonnes conditions pour les générations futures. Cependant, la durabilité ne s’arrête pas là.

Cela dit, l'un des enjeux principaux d'un bâtiment durable est d'offrir un environnement sain et confortable aux activités humaines.

Le bien-être est un aspect fondamental qui détermine la qualité de vie de ceux qui occupent un environnement, en particulier dans nos sociétés modernes, où les individus passent plus de 90% de leur temps dans des environnements fermés.

On sait depuis des années désormais que la conception de notre environnement construit a un impact sur notre santé et notre bien-être, et peut avoir des effets à long terme sur la qualité de vie des individus qui vivent et travaillent à l’intérieur de ces espaces.

En 1948, l’Organisation mondiale de la santé a donné une définition de la santé et du bien-être qui décrit bien plus que la simple intégrité du corps physique.

« Un état de total bien-être physique, mental et social, et pas simplement l'absence de maladie ou d'infirmité. »[3]

Pour aller bien, les individus ne doivent pas simplement éviter de tomber malade, il leur faut vivre dans des conditions de nature à garantir leur bien-être physique, mental et social.

Il s'ensuit que l’architecture, et donc la conception des environnements dans lesquels nous évoluons chaque jour, joue un rôle central.

Quels sont les éléments architecturaux qui favorisent une augmentation sensible de la santé et du bien-être des personnes?

  • plus de lumière naturelle, celle-ci étant souvent réduite à l’intérieur, en raison d’une utilisation excessive du ciment. Miser sur d'autres matériaux, comme le bois et le verre, peut aider à améliorer cet aspect, avec des retombées positives sur l’humeur et la santé des gens. Miser sur des matériaux bénéficiant de bonnes propriétés de réflexion et de diffusion de la lumière peut aussi influer de façon positive sur le bien-être et la santé des occupants;
  • meilleure qualité de l’air intérieur, grâce à une meilleure ventilation naturelle et, surtout, au remplacement de matériaux potentiellement toxiques par des alternatives respectueuses de la santé et de l’environnement. De nombreuses études ont ainsi démontré qu’une meilleure ventilation se traduit par une augmentation de la productivité des travailleurs, joignant ainsi « l'utile au profitable » ;
  • meilleure isolation thermique et acoustique, entraînant une réduction de la consommation d’énergie et une augmentation du confort domestique ;
  • meilleure optimisation des espaces, afin d'offrir aux individus des environnements habitables conçus et construits en fonction de leurs besoins ;
  • plus grande présence d’éléments naturels, c'est-à-dire de plantes, fleurs, jardins verticaux, potagers urbains, qui ont un triple effet positif : ils rendent les lieux plus agréables, absorbent le CO2 et contribuent à rafraîchir les bâtiments en été.

Investir dans l'architecture durable n'a donc pas seulement un impact positif en termes environnementaux, dans le cadre d'un processus d'économie circulaire plus vaste et complexe, cela favorise également une amélioration sensible de la qualité de vie de chacun de nous, quotidiennement et dans le temps.

L'architecture rencontre la nature

Le secteur de la construction, et avec lui l'architecture, a toujours été perçu, à juste titre, comme une menace pour la nature, pour l'environnement.

Cependant, au cours de ces dernières décennies, la quête de durabilité s’est traduite par la nécessité d'établir un nouveau rapport entre l’architecture et la nature.

Les éléments du monde naturel, jusqu’alors appréciés principalement pour leurs qualités esthétiques, sont devenus utiles, nécessaires pour produire de l’énergie, économiser l’eau et améliorer la qualité de l’air.

Les éléments naturels ont acquis un nouveau rôle dans la création des bâtiments et des espaces publics, en devenant une source d’inspiration et plus seulement des ressources à exploiter.

On a commencé à penser le panorama d'une ville comme un espace naturel, avec l’installation de pelouses sur les toits, à employer des matériaux différents et à concevoir des bâtiments ayant des formes et des profils s’intégrant parfaitement dans leur environnement, dans le but de favoriser cette réconciliation entre nature et architecture.

Une autre approche fascinante est celle du biomimétisme, qui consiste à concevoir des bâtiments (mais aussi des objets d’usage courant) en s’inspirant de la nature et en reproduisant ses formes et ses processus.

L'un des exemples les plus célèbres de biomimétisme appliqué à l’architecture durable est l'Eastgate Center. Ce centre commercial situé au Zimbabwe est le premier bâtiment au monde doté d'un système de refroidissement entièrement naturel, s’inspirant de la structure des termitières.

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La conception dite biophilique est également très intéressante : elle vise à renforcer la relation entre les personnes et les éléments naturels à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments, par le biais d'une plus grande exposition à la lumière naturelle et à la végétation, notamment au moyen de fenêtres de toits, de jardins, d'aquariums, de fontaines, d'étangs artificiels, de potagers et de « bois verticaux ».

Quelles sont les questions liées à l'architecture durable?

L'architecture durable est un processus multifactoriel, impliquant de nombreux aspects qui vont bien au-delà de la conception et de la construction des bâtiments.

Quels sont les aspects connexes qui sont essentiels pour la création de bâtiments écologiques ?

Dans la section Sujet du site web du Programme des Nations Unies pour l'environnement - Initiative Bâtiments Durables et Climat (PNUE-SBCI)[4] se trouve une longue liste, reproduite ci-dessous, qui donne peut-être une idée de la complexité de cette démarche :

  • L'étanchéité des bâtiments et des canalisations;
  • La création de valeur, de co-bénéfices et d'externalités;
  • L'enveloppe du bâtiment (murs, fenêtres...);
  • La gestion des bâtiments et les systèmes de gestion de l'énergie;
  • Le calcul, la simulation;
  • La campagne et la sensibilisation;
  • Les programmes de certification;
  • Les compétences en construction pour les bâtiments à haut rendement énergétique de demain;
  • Les technologies de rénovation profonde;
  • Les technologies et matériaux pour l'efficacité énergétique;
  • Les procédures de calcul des performances énergétiques et normes CEN;
  • La certification des performances énergétiques;
  • Le contrat de performance énergétique;
  • La directive sur la performance énergétique des bâtiments;
  • Les politiques énergétiques et le cadre réglementaire;
  • Les sources d'énergie, le chauffage/refroidissement urbain, la cogénération;
  • La DPEB et les directives européennes connexes;
  • Le financement socio-économique;
  • Les pompes à chaleur dans les bâtiments;
  • Les systèmes HVAC (chauffage, climatisation, eau chaude sanitaire, ventilation);
  • L'environnement intérieur (confort thermique, qualité de l'air intérieur, acoustique);
  • L'inspection;
  • Les systèmes d'isolation interne;
  • L'éclairage;
  • La micro-cogénération dans les bâtiments;
  • La pénétration nationale des bâtiments à énergie zéro et le plan de rénovation du parc immobilier;
  • Les bâtiments à énergie quasi nulle;
  • Les sources d'énergie renouvelables sur place;
  • Propriétaire vs locataires;
  • Les bâtiments publics et non résidentiels;
  • Les bâtiments résidentiels;
  • La restauration et la régénération des bâtiments;
  • L'école du futur;
  • Les bâtiments intelligents;
  • Les logiciels pour évaluer la performance énergétique des bâtiments;
  • Le brise-soleil;
  • La construction durable publique, coopérative et sociale;
  • La formation et l'éducation;
  • Les utilisateurs;
  • Les façades ventilées;
  • Le refroidissement par ventilation;
  • Les bâtiments à très faible consommation d'énergie;
  • Les fenêtres, portes, murs-rideaux.

Si l'on veut mener à bien un projet global d'architecture durable, il faut adopter une approche holistique impliquant tous ces processus.

Que pouvons-nous attendre de l'architecture durable?

Le changement climatique est un fait, et cela exige une intervention massive, rapide, immédiate, vaste, et tout à la fois chirurgicale et très précise, surtout concernant un secteur aussi complexe que celui de la construction.

On estime aujourd’hui que les émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment représentent environ 35 %[5] du total en Europe (selon certains organismes, ce chiffre est beaucoup plus élevé).

Il est nécessaire de repenser non seulement la façon dont les bâtiments sont conçus et construits, mais aussi l'ensemble du secteur, de l'extraction des matières premières à l'identification de nouvelles techniques de construction, en passant par une augmentation des rénovations et régénérations d'anciens bâtiments désormais obsolètes et à fort impact environnemental.

L'expérience de la pandémie nous a appris combien il est important de redécouvrir le territoire, les lieux de proximité, les espaces publics extérieurs où l'on peut passer du temps en sécurité, et les villes du futur devront prendre en compte cela dans les futurs aménagements et les futurs bâtiments.

Le plan RE2020 récemment approuvé en France contient des indications très précises à cet égard, que nous vous invitons à découvrir en téléchargeant notre Livre Blanc gratuit. Vous le trouverez ici.

Sources:
1. "Sustainable Architecture-What's Next?", Harald N. Røstvik 
2. Green architecture - Encyclopedia Britannica 
3. Constitution - WHO, World Health Organization 
4. Topic - The United Nations Environment Programme - Sustainable Building and Climate Initiative (UNEP-SBCI) 
5. Buildings and construction - European Commission